Attention, post philosophique au sujet de questions existentielles sur l'Univers, la Vie et le Reste, sans utiliser la réponse 42. Pour les non-geeks ou ceux à qui H2G2 ne parle pas, c'est donc une simple discussion, une réflexion suite à une semaine un peu différente des précédentes... Mais qui n'en restera pas moins drôle, hein, ça reste DocLison qui écrit, faut pas déc***er non plus !
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Oh yeaaaah H2G2 :) |
Ouhla ouhla, on se calme, il n'est rien arrivé d'exceptionnel dans ma vie de professeur-chômeuse (z'êtes optimiste, vous me voyez prof à temps partiel ; z'êtes pessimiste, vous me voyez chômeuse à temps partiel). Mais j'ai eu 1) un entretien à la Maison de la Solidarité et de l'Emploi de ma ville de banlieue toulousaine et 2) deux cours avec deux élèves que j'aime bien, comme chaque semaine, mais dans une ambiance moins happy et détendue qu'habituellement...
C'est comme une antenne de Pôle-Emploi, sauf que c'est la ville qui finance. Donc pas de conseiller attitré, mais des consultants ; pas d'offres d'emplois collées sur tous les murs, mais des entretiens et des formations disponibles pour trouver sa voie et avoir THE bonne technique pour parvenir à ses fins. C'est gratuit ('fin, non ce sont nos impôts locaux qui financent tout ça), c'est rapide puisque j'ai eu un RDV sous deux jours, et c'est très agréable, comparé à P-E.
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Devanture stylée et hypeeeer accueillante de la Maison de Machin-Toussa ^^ |
Non pas que je crache sur P-E : il y a toujours du monde parce qu'on est en crise économique, les gens ne sont pas toujours patients et pas toujours polis, certains sont même dans une situation catastrophique... Il y a des tensions, de l'angoisse, des attentes : on est pendu aux lèvres de notre conseiller dans l'espoir d'une bonne nouvelle, qui ne vient généralement jamais. Je suis allée quatre fois dans ma vie au Pôle-Emploi : une fois suite au non-renouvellement de mon contrat étudiant lorsque j'étais caissière où on m'a dit "on ne peut être étudiant et allocataire, donc même si vous avez cotisé, vous ne toucherez rien" ; une fois suite à la fin de ma bourse de thèse, où j'ai dit que j'avais déjà un post-doctorat prévu et où on m'a dit "ah beh ça m'arrange, parce que vous comprenez bien que je n'ai rien à vous proposer, ahahah" ; une fois suite à la fin de mon post-doctorat, où on m'a dit "réfléchissez bien, hein, vous avez le temps ; ah mais par contre vous aurez un chômage beaucoup plus faible qu'attendu" ; une dernière fois trois mois après, où on m'a dit "ah mais ma collègue ne vous a pas mise au P-E Cadre ? Ah mais c'est trop tard, je ne peux plus rien faire" (WTF ?). Et depuis, beh... ma conseillère est en arrêt maladie...
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Un casse-tête, Pôle-Emploi ? Illustration issue du blog "La Fusion pour les Nuls", c'est dire... |
Vous comprenez donc que mon expérience avec eux n'est pas des meilleures. Je ne les déteste pas, ils font un travail pas évident, dans un cadre extrêmement codifié, rempli de lois, de formations aux noms barbares... Mais, j'aimerais signaler quand même à notre Président et notre Ministre du Travail qu'un bon coup de pied dans cette fourmilière et une réorganisation plus structurée et logique de ce système nous ferait à la fois gagner de l'argent et un précieux temps. 'fin c'que j'dis, hein...
Et pour revenir à la Maison...., et bien ce n'est pas ça du tout ! Pas de stress, un homme bien sous tout rapport m'a accueillie à l'heure et, si la conversation a commencé comme tout entretien avec mon CV, mes pistes et mes ambitions, elle a progressivement dévié vers notre rapport au monde du travail, les difficultés, etc. Après avoir validé mes pistes d'emploi, après m'avoir inscrite à une formation d'une journée sur les réseaux professionnels et les réseaux sociaux (high tech la Maison !), après m'avoir félicitée quant à ma mobilité, ma diversité, mes prises de RDV à droite, à gauche et mes entretiens, il en est ressorti que : je ne suis pas la seule à penser qu'il y a quelque chose de pourri au royaume du Dane... euh, dans la République Française !
Et c'est là que je viens au titre de mon post ("oué, Doc, t'abuses, t'en as mis un temps, oué, remboursez nos invitations").
Gné ?
Il s'avère que ce monsieur reçoit régulièrement des personnes avec des chevilles et une tête disproportionnées, des gens demandant beaucoup, se vantant de compétences qu'ils n'ont pas tout à fait. Il se trouve également que lors de la préparation d'un entretien, des personnes de mon entourage m'ont invitée à ne pas trop en dire sur mes compétences, à rester floue, à - limite - mentir ou, en tout cas, enjoliver certains aspects de mon CV.
Pourquoi ? Pourquoi se survendre ? Pourquoi "se la péter" ? Pourquoi est-ce devenu la norme actuelle ? On veut des winners, certes, mais des winners menteurs ?
Je suis honnête, je sais désormais ce que je suis et ce que je vaux, les choses que je peux apporter à une entreprise ou un groupe, quel qu'il soit. Non, je n'ai pas menti à mon entretien ; j'ai même dit "je n'ai pas les compétences techniques pour telle voie, mais des compétences transverses développées, une motivation, une envie et un potentiel considérables". Aurais-je dû dire "Oui, je suis trop balèze, c'est moi la plus mieux de tout le monde dans le monde, prenez-moi et payez moi 45k€" ?
Je refuse de me soumettre à cette règle tacite : je refuse de souffrir ultérieurement d'un syndrôme de l'imposteur, de stresser au quotidien à l'idée que quelqu'un découvre qu'en fait, non, je ne suis pas si exceptionnelle. J'ai déjà tellement ressenti ça auparavant... Je refuse de devenir une ambitieuse telle que je mente, cache mon vrai moi, écrase mon voisin pour gravir les échelons.
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"Pas contents, pas contents" |
Je suis ambitieuse, si si, mais sensible et empathique. Corporate, aussi : je me donnerai à fond du moment que je crois au projet. Il me faut cette carotte-là : ce n'est ni l'argent, ni le kiff de dépasser mes collègues qui me feront avancer. C'est la Foi en ce que je fais. Suis-je naïve ? Suis-je trop idéaliste ? Suis-je vouée à l'échec parce que je n'ai pas les dents qui rayent le parquet ?
Le consultant en question était tout aussi dépité que moi, mais optimiste : d'après lui, beaucoup d'entreprises se tournent de nouveau vers l'humain et il y aurait de l'espoir pour les gens comme moi. Hum... Je l'espère, car il me semble que cette "prise de conscience" ou, en tout cas, ce refus de l'ambition à tout prix, ne touche pas que moi...
What about your two pupils?
Ah ces deux-là. Deux ados, deux jeunes attachants, à un virage de leur vie.
La première est une jeune demoiselle, pétillante, dynamique, incroyablement réfléchie, mais, pendant difficile de ce trait de caractère, elle manque cruellement de confiance en elle. Et lors d'un cours au sujet de l'Univers (physique-chimie, 2de), où nous avons abordé le fait que la matière est essentiellement lacunaire et qu'il existe des objets infiniment petits (de l'ordre du femtomètre) et des objets infiniment grands (genre, notre galaxie, qui a tout de même un diamètre de l'ordre de cent milliards de milliards de kilomètres...), elle m'a dit : "mais, en fait, nous, on n'est vraiment pas grand chose". Voilà, cette vérité lui pète à la figure en cette belle journée de ses 16 ans. S'en est suivi une discussion qui a largement dépassé le cadre et l'heure du cours, mais tant pis. Devant le flot de questions qu'elle se posait, je ne pouvais pas la laisser en plan. Parce qu'avec cette observation, vient souvent le "mais à quoi on sert ?", le "mais on ne sert à rien", assorti d'un "alors qu'en plus on casse tout et on pollue tout". Elle est allée jusqu'à se dire que nous étions l'espèce dominante du moment, comme le furent jadis les dinosaures, ce qui n'est vraisemblablement pas un gage de pérennité. Pas sûr qu'elle ait bien dormi la nuit !
Le second est un grand et beau garçon, détendu, sportif, motivé mais... qui manque cruellement de confiance en lui. Bon, OK, c'est un aspect de la vie d'ado, mais quand même, devant toutes ses qualités, il est triste de voir qu'il ne se sente pas plus "youplaboum". Il pensait commencer à maîtriser son environnement, son monde, ses aspirations, et puis, pouf, ce qu'il prenait pour acquis ne l'est finalement pas. Il s'est investi, croyait beaucoup et puis, pouf, il ne croit plus. La dure vie que celle d'apprenti-adulte dans notre monde...
Que faire quand on est prof en face de ces deux-là ? Que dire ? Est-ce ma place que de leur parler, de les rassurer ? N'est-ce pas outrepasser mes prérogatives ? Ils me touchent, ces deux loulous, par leur gentillesse, leur honnêteté, leur "entièreté", leurs inquiétudes. Et je note qu'ils n'ont plus de grands rêves comme je pouvais avoir à leur âge : "pfff, j'ai raté le DS, je suis nul(le)", "pfff, de toute façon je revois mes ambitions à la baisse", " pffff, de toute façon, pfff, pfff".
Que faire devant ce moral à la baisse chez des jeunes pourtant prometteurs ? Comment leur parler du monde du travail actuel, que je subis ? Est-ce que je dois leur dire "ouhla, eh oh, on ne s'écoute pas tant et on fonce, hein, mon p'tit gars !", "oh eh oh, sors les crocs, les griffes, le monde est rude et il faut te battre et passer pour un gros dur" ? Non, franchement, je ne me vois pas leur dire ça. Je n'ai pour l'instant qu'un très petit échantillon de gamins sous le nez pour traiter de la question, mais de là à dire que la génération Z est déjà en souffrance et va notablement changer le monde du travail dans les vingt prochaines années, il n'y a qu'un pas... que je franchirai peut-être d'ici un an ou deux, avec l'expérience ;)
Alors, mon Ami, on fait quoi ? On garde ce monde de requins où les sensibles n'ont pas leur place ? On considère que ce sont des mauviettes avec leur sensiblerie à deux sesterces ? Ou alors on se dit que la sensibilité deviendra un atout ? D'où le titre de l'article : sensibilité ou sensiblerie ? Quand être empathique et réceptif deviendra-t-il un avantage ?
Je vous laisse réfléchir avec un Grobisou !