mardi 19 avril 2016

#10 - Etre sensible, c'est de la sensibilité ou de la sensiblerie, dis donc ?

Hey mon Ami,

Attention, post philosophique au sujet de questions existentielles sur l'Univers, la Vie et le Reste, sans utiliser la réponse 42. Pour les non-geeks ou ceux à qui H2G2 ne parle pas, c'est donc une simple discussion, une réflexion suite à une semaine un peu différente des précédentes... Mais qui n'en restera pas moins drôle, hein, ça reste DocLison qui écrit, faut pas déc***er non plus !

Oh yeaaaah H2G2 :)


But OMFBBQ, what happened last week? 

Ouhla ouhla, on se calme, il n'est rien arrivé d'exceptionnel dans ma vie de professeur-chômeuse (z'êtes optimiste, vous me voyez prof à temps partiel ; z'êtes pessimiste, vous me voyez chômeuse à temps partiel). Mais j'ai eu 1) un entretien à la Maison de la Solidarité et de l'Emploi de ma ville de banlieue toulousaine et 2) deux cours avec deux élèves que j'aime bien, comme chaque semaine, mais dans une ambiance moins happy et détendue qu'habituellement...

What is "La Maison de Machin-Toussa"?

C'est comme une antenne de Pôle-Emploi, sauf que c'est la ville qui finance. Donc pas de conseiller attitré, mais des consultants ; pas d'offres d'emplois collées sur tous les murs, mais des entretiens et des formations disponibles pour trouver sa voie et avoir THE bonne technique pour parvenir à ses fins. C'est gratuit ('fin, non ce sont nos impôts locaux qui financent tout ça), c'est rapide puisque j'ai eu un RDV sous deux jours, et c'est très agréable, comparé à P-E.

Devanture stylée et hypeeeer accueillante de la Maison de Machin-Toussa ^^

Non pas que je crache sur P-E : il y a toujours du monde parce qu'on est en crise économique, les gens ne sont pas toujours patients et pas toujours polis, certains sont même dans une situation catastrophique... Il y a des tensions, de l'angoisse, des attentes : on est pendu aux lèvres de notre conseiller dans l'espoir d'une bonne nouvelle, qui ne vient généralement jamais. Je suis allée quatre fois dans ma vie au Pôle-Emploi : une fois suite au non-renouvellement de mon contrat étudiant lorsque j'étais caissière où on m'a dit "on ne peut être étudiant et allocataire, donc même si vous avez cotisé, vous ne toucherez rien" ; une fois suite à la fin de ma bourse de thèse, où j'ai dit que j'avais déjà un post-doctorat prévu et où on m'a dit "ah beh ça m'arrange, parce que vous comprenez bien que je n'ai rien à vous proposer, ahahah" ; une fois suite à la fin de mon post-doctorat, où on m'a dit "réfléchissez bien, hein, vous avez le temps ; ah mais par contre vous aurez un chômage beaucoup plus faible qu'attendu" ; une dernière fois trois mois après, où on m'a dit "ah mais ma collègue ne vous a pas mise au P-E Cadre ? Ah mais c'est trop tard, je ne peux plus rien faire" (WTF ?). Et depuis, beh... ma conseillère est en arrêt maladie...

Un casse-tête, Pôle-Emploi ? Illustration issue du blog "La Fusion pour les Nuls", c'est dire...

Vous comprenez donc que mon expérience avec eux n'est pas des meilleures. Je ne les déteste pas, ils font un travail pas évident, dans un cadre extrêmement codifié, rempli de lois, de formations aux noms barbares... Mais, j'aimerais signaler quand même à notre Président et notre Ministre du Travail qu'un bon coup de pied dans cette fourmilière et une réorganisation plus structurée et logique de ce système nous ferait à la fois gagner de l'argent et un précieux temps. 'fin c'que j'dis, hein...

Et pour revenir à la Maison...., et bien ce n'est pas ça du tout ! Pas de stress, un homme bien sous tout rapport m'a accueillie à l'heure et, si la conversation a commencé comme tout entretien avec mon CV, mes pistes et mes ambitions, elle a progressivement dévié vers notre rapport au monde du travail, les difficultés, etc. Après avoir validé mes pistes d'emploi, après m'avoir inscrite à une formation d'une journée sur les réseaux professionnels et les réseaux sociaux (high tech la Maison !), après m'avoir félicitée quant à ma mobilité, ma diversité, mes prises de RDV à droite, à gauche et mes entretiens, il en est ressorti que : je ne suis pas la seule à penser qu'il y a quelque chose de pourri au royaume du Dane... euh, dans la République Française !

Et c'est là que je viens au titre de mon post ("oué, Doc, t'abuses, t'en as mis un temps, oué, remboursez nos invitations").

Gné ?

Il s'avère que ce monsieur reçoit régulièrement des personnes avec des chevilles et une tête disproportionnées, des gens demandant beaucoup, se vantant de compétences qu'ils n'ont pas tout à fait. Il se trouve également que lors de la préparation d'un entretien, des personnes de mon entourage m'ont invitée à ne pas trop en dire sur mes compétences, à rester floue, à - limite - mentir ou, en tout cas, enjoliver certains aspects de mon CV.

Pourquoi ? Pourquoi se survendre ? Pourquoi "se la péter" ? Pourquoi est-ce devenu la norme actuelle ? On veut des winners, certes, mais des winners menteurs ?

Je suis honnête, je sais désormais ce que je suis et ce que je vaux, les choses que je peux apporter à une entreprise ou un groupe, quel qu'il soit. Non, je n'ai pas menti à mon entretien ; j'ai même dit "je n'ai pas les compétences techniques pour telle voie, mais des compétences transverses développées, une motivation, une envie et un potentiel considérables". Aurais-je dû dire "Oui, je suis trop balèze, c'est moi la plus mieux de tout le monde dans le monde, prenez-moi et payez moi 45k€" ?

Je refuse de me soumettre à cette règle tacite : je refuse de souffrir ultérieurement d'un syndrôme de l'imposteur, de stresser au quotidien à l'idée que quelqu'un découvre qu'en fait, non, je ne suis pas si exceptionnelle. J'ai déjà tellement ressenti ça auparavant... Je refuse de devenir une ambitieuse telle que je mente, cache mon vrai moi, écrase mon voisin pour gravir les échelons.

"Pas contents, pas contents"

Je suis ambitieuse, si si, mais sensible et empathique. Corporate, aussi : je me donnerai à fond du moment que je crois au projet. Il me faut cette carotte-là : ce n'est ni l'argent, ni le kiff de dépasser mes collègues qui me feront avancer. C'est la Foi en ce que je fais. Suis-je naïve ? Suis-je trop idéaliste ? Suis-je vouée à l'échec parce que je n'ai pas les dents qui rayent le parquet ?

Le consultant en question était tout aussi dépité que moi, mais optimiste : d'après lui, beaucoup d'entreprises se tournent de nouveau vers l'humain et il y aurait de l'espoir pour les gens comme moi. Hum... Je l'espère, car il me semble que cette "prise de conscience" ou, en tout cas, ce refus de l'ambition à tout prix, ne touche pas que moi...

What about your two pupils?

Ah ces deux-là. Deux ados, deux jeunes attachants, à un virage de leur vie.

La première est une jeune demoiselle, pétillante, dynamique, incroyablement réfléchie, mais, pendant difficile de ce trait de caractère, elle manque cruellement de confiance en elle. Et lors d'un cours au sujet de l'Univers (physique-chimie, 2de), où nous avons abordé le fait que la matière est essentiellement lacunaire et qu'il existe des objets infiniment petits (de l'ordre du femtomètre) et des objets infiniment grands (genre, notre galaxie, qui a tout de même un diamètre de l'ordre de cent milliards de milliards de kilomètres...), elle m'a dit : "mais, en fait, nous, on n'est vraiment pas grand chose". Voilà, cette vérité lui pète à la figure en cette belle journée de ses 16 ans. S'en est suivi une discussion qui a largement dépassé le cadre et l'heure du cours, mais tant pis. Devant le flot de questions qu'elle se posait, je ne pouvais pas la laisser en plan. Parce qu'avec cette observation, vient souvent le "mais à quoi on sert ?", le "mais on ne sert à rien", assorti d'un "alors qu'en plus on casse tout et on pollue tout". Elle est allée jusqu'à se dire que nous étions l'espèce dominante du moment, comme le furent jadis les dinosaures, ce qui n'est vraisemblablement pas un gage de pérennité. Pas sûr qu'elle ait bien dormi la nuit !

Le second est un grand et beau garçon, détendu, sportif, motivé mais... qui manque cruellement de confiance en lui. Bon, OK, c'est un aspect de la vie d'ado, mais quand même, devant toutes ses qualités, il est triste de voir qu'il ne se sente pas plus "youplaboum". Il pensait commencer à maîtriser son environnement, son monde, ses aspirations, et puis, pouf, ce qu'il prenait pour acquis ne l'est finalement pas. Il s'est investi, croyait beaucoup et puis, pouf, il ne croit plus. La dure vie que celle d'apprenti-adulte dans notre monde...

Que faire quand on est prof en face de ces deux-là ? Que dire ? Est-ce ma place que de leur parler, de les rassurer ? N'est-ce pas outrepasser mes prérogatives ? Ils me touchent, ces deux loulous, par leur gentillesse, leur honnêteté, leur "entièreté", leurs inquiétudes. Et je note qu'ils n'ont plus de grands rêves comme je pouvais avoir à leur âge : "pfff, j'ai raté le DS, je suis nul(le)", "pfff, de toute façon je revois mes ambitions à la baisse", " pffff, de toute façon, pfff, pfff".

Que faire devant ce moral à la baisse chez des jeunes pourtant prometteurs ? Comment leur parler du monde du travail actuel, que je subis ? Est-ce que je dois leur dire "ouhla, eh oh, on ne s'écoute pas tant et on fonce, hein, mon p'tit gars !", "oh eh oh, sors les crocs, les griffes, le monde est rude et il faut te battre et passer pour un gros dur" ? Non, franchement, je ne me vois pas leur dire ça. Je n'ai pour l'instant qu'un très petit échantillon de gamins sous le nez pour traiter de la question, mais de là à dire que la génération Z est déjà en souffrance et va notablement changer le monde du travail dans les vingt prochaines années, il n'y a qu'un pas... que je franchirai peut-être d'ici un an ou deux, avec l'expérience ;)

Alors, mon Ami, on fait quoi ? On garde ce monde de requins où les sensibles n'ont pas leur place ? On considère que ce sont des mauviettes avec leur sensiblerie à deux sesterces ? Ou alors on se dit que la sensibilité deviendra un atout ? D'où le titre de l'article : sensibilité ou sensiblerie ? Quand être empathique et réceptif deviendra-t-il un avantage ?

Je vous laisse réfléchir avec un Grobisou ! 


mardi 12 avril 2016

#9 - C'est quoi ton demi-travail du moment, dis donc ?

Hey mon Ami,

Ca fait bientôt deux mois que j'ai rejoint un groupe d'enseignement particulier à domicile, une de ces grosses boîtes avec plein de petits bureaux locaux, et je ne vous en ai que vaguement parlé. Puisqu'on me demande ce que je fais, le temps que ça prend, les tâches exactes et... le salaire, laissez-moi aujourd'hui vous en parler un peu (sachant que j'ai les idées d'articles qui se bousculent dans ma petite tête et le temps me manque pour tout écrire :) ). Interview de DocLison par DocLison herself ;)

"Salut Moi, ça va ?" "Ben oui et Moi, ça va ?"

Comment as-tu rejoint X ? C'est difficile d'y arriver ? Parce que, bon, franchement, t'es pas non plus... 

...

Après des semaines de pas-de-réponse suite aux offres, je m'ennuyais ferme sans propositions intéressantes. Une amie d'une amie m'a demandé un coup de main pour sa fille qui connaissait quelques difficultés en mathématiques. Car il faut savoir que j'ai largement financé mes études par des cours particuliers, avant d'être monitrice lors de ma thèse. Bref, l'enseignement, je connais bien.


Et puis, voyant que je prenais plaisir à expliquer à la demoiselle ce qu'était une fonction ou encore un vecteur, et que je rallumais mon cerveau en veille, je me suis dit : "mais pourquoi je ne travaillerais pas pour un groupe d'enseignement particulier ?" Une rapide recherche sur Google m'a donné un bureau toulousain, auquel j'ai postulé directement en ligne : informations standard, diplômes, horaires disponibles, matières abordables... C'était un mardi : deux jours après, la chargée de recrutement du bureau toulousain m'appelait pour un entretien le lundi d'après. Fastoche ^^

Et le jour J, j'ai passé deux heures à compléter des tests validant mes connaissances, à avoir des discussions et des mises en situation validant mes compétences, à écouter le descriptif du groupe. Et pouf, je repartais avec déjà quatre élèves dans mon cartable (au sens figuré, hein, quand même, il est petit mon cartable).

Comment as-tu appris à enseigner ? As-tu été formée ? Parce que, bon, franchement, quand on voit comment tu écris tes articles...

Oh, eh, oh, ça va oui ! 

Mes compétences d'enseignante, je les ai acquises au fur et à mesure, d'abord sur le tas avec mes premiers élèves particuliers lorsque j'étais en licence, puis avec mes étudiants à la fac lorsque j'étais monitrice, sachant que j'ai eu des formations à ce moment-là (parler à des étudiants, la pédagogie, la didactique, toussa toussa). J'ai fait également pas mal d'interventions en vulgarisation scientifique. Et puis, il faut aussi avouer que j'ai toujours aimé transmettre mes connaissances, expliquer, essayer de convaincre de l'intérêt de telle ou telle matière, de la nécessité de s'ouvrir l'esprit :)

Merci Turk et De Groot pour votre formidable Disciplus Simplex !

C'est donc finalement assez naturel chez moi. Et non, je ne me la pète pas ^^

Quelles sont tes journées en tant que prof ? Tu travailles beaucoup ? Et comment ?

Alors j'avoue franchement que pour l'instant, j'ai un rythme DE-TEN-DU : je donne des cours tous les jours, entre 1,5 et 5 heures par jour. 


Au début, il m'a fallu travailler beaucoup à côté, afin de me remettre en tête tous les programmes des cours que je donnais (SVT, Physique-Chimie, Mathématiques notamment), selon les niveaux que je pouvais rencontrer (6è à 1ère S, oui ça pique).

Une fois les premiers cours passés avec mes 4 élèves, j'ai découvert qu'il me fallait mettre au point une organisation bien carrée : une fiche par élève, des appels aux parents les soirs après 19 heures (d'après le règlement de X), des programmes demandés en avance pour être prête le jour J... Sinon j'étais perdue et pas du tout crédible ! (J'ai le souvenir d'un cuisant échec sur les produits scalaires en 1ère S...)

"Et meeeeeeeerdeuuuuuh, c'est quoi au fait ces fichus produits scalaires ???" (sigh)

Bref, des fifiches dans tous les sens, des petits bouquins achetés pour avoir des exercices tout faits, des programmes lus et relus, adaptés, corrigés... et plutôt appréciés ! C'est fou comme ça a changé depuis mon vieux temps ! (c'est pas comme si le programme que j'explique date de 2008... ça nous rajeunit pas, ma bonne dame !) Les sciences sont expliquées avec beaucoup plus d'applications, elles sont tournées vers l'ouverture d'esprit, la connaissance de l'environnement, les notions de risques, de danger... Les "Anciens"diront que les gamins deviennent fainéants et apprennent peu de notions et peu de formules : moi je dirais qu'ils apprennent différemment, moins "tête dans le guidon" qu'avant. Après tout, pas sûre que savoir le sens du champ magnétique dans une bobine soit réellement vital...

Donc, pour être plus précise, une journée type, c'est : un lever vers 8-9h (ça c'est classe), mon petit sport, une mise à jour de mes fiches avec les cours faits la veille, une déclaration en ligne de mes heures (pour être payée), un chapitre préparé (histoire d'avoir un cours sur papier). Un déjeuner léger pris avec mon chéri le midi et zouh, en cours. Les jours où il y a peu de cours, je peux faire mes démarches, avoir des entretiens (APEC, Maison de l'emploi, potentiels emplois...), appeler les services administratifs... ou ma maman, regarder un film, lire un bouquin et surtout, surtout, réfléchir aux voies à explorer, aux concessions à faire, aux projets réalisables ou non. Bref, lentement mais sûrement, j'avance :)

Et... concrètement, tu gagnes bien ta vie ?

C'est là où ça coince encore un peu. Enseignante débutante chez X, je suis payée au SMIC horaire + 10% indemnités (CP, précarité)... des heures faites chez les clients. Autrement dit, le temps passé à préparer, téléphoner, répéter, corriger, envoyer des e-mails, des SMS aux élèves en détresse, n'est pas pris en compte. Donc ça ne fait pas beaucoup. Avec les indemnités transport associées, et à coup de 10-15 heures par semaine maximum, on n'atteint pas le montant de mes indemnités chômage... Ce qu'il y a de bien dans le système français, c'est que Pôle-Emploi (enfin moi, c'est la fac) compense : je touche toujours autant au final. La difficulté étant ce constat simple : que je bosse ou pas, je touche la même chose. Y a plus motivant dans la vie ^^

Mais je ne désespère pas : j'attends de voir si je peux être augmentée à un moment ou à un autre, si je peux avoir davantage d'élèves, si...

Bref à suivre !

Bon, donc, au final, bien ou bien ?

Ah oui oui, bien bien bien, même ! Je ne m'ennuie plus, je me sens utile, j'ai la sensation d'avancer en même temps que les notes de mes élèves montent ! J'ai d'excellents retours, des conseillers pédagogiques au taquet avec moi. Je m'éclate :)

Ah bah cool alors... Bon beh, moi je vais me coucher...

Ah oui, tiens, moi aussi !

Allez, Grobisou !