Hey mon Ami,
A nouvelle insomnie, nouveau billet. Bon, je triche, celui-là me trottait quelque peu dans la tête depuis quelques jours ! Mais je profite d'un désintérêt total du marchand de sable pour ma petite personne pour enfin le mettre au propre. 1h30 (bien avant potron-minet), billet #3, c'est parti !
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Moi c'est au chat que je parle dans ces cas-là... |
Je suis au chômage, z'allez me dire "beh tu cherches dans quelle branche ? C'est quoi ton métier ?" Et c'est là que le bas blesse. Car avant d'être un métier, être chercheur est une vocation, une passion. Flash-back sur ma formation...
J'ai 14 ans, toutes mes dents (sauf les dents de sagesse) et une ambition à toute épreuve : après tout, on n'a pas grand chose à perdre à rêver quand on a 14 ans. On m'a parlé de Marie Curie : je commence à dévorer tous les écrits à son sujet, je rêve de touiller la pechblende qu'elle tripotait, d'être meilleure que le meilleur des hommes, d'améliorer le monde qui m'entoure... Elle m'impressionne ! Alors je rêve grand. Deux personnes centrales de ma vie d'alors m'encouragent : Papy me fait bosser les mercredis, Mamy parle de moi à tout le monde en disant fièrement : "elle ira loin ma p'tite fille". Et puis, pouf, la vie me rappelant qu'elle n'est pas toujours rose me retire ces deux soutiens en quelques mois. Mais je leur promets que j'y arriverai...
J'ai 18 ans, je me lance dans le monde universitaire, parce que je le trouve noble, égalitaire, méritocratique. Et Marie Curie n'était pas ingénieur, à ce que je sache... La licence m'ébranle une première fois : pas facile de valider des matières que tu ne comprends pas ! Est-ce que je suis vraiment faite pour ça ? A quoi ça rime ? Mais... j'ai de nouveaux soutiens, parmi lesquels des professeurs. Et puis, ça ira mieux après. Je quitte mon pays lorrain natal pour rejoindre le Bordelais : 35 heures de cours par semaine, 25 heures de boulot pour pouvoir vivre, 20-30 heures de potassage de cours...
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Piouuuu, la fac et le boulot, ça fatigue ^^ |
Hard core, mais je tiens : ça ira mieux après... Et zouh, j'ai un master en poche. Mais je ne sais pas si je dois faire une thèse : à quoi ça servirait, la crise est déjà là et la chimie va mal ? En même temps, quel boulot atteindre en étant chimiste organicienne de formation, sans expérience ? Je me sens si petite, si insignifiante, mais on me dit que je suis faite pour la recherche, que je serai talentueuse. Alors j'y vais. J'ai 23 ans et je pars à Toulouse, pour la dernière étape de mon cursus universitaire. Mine de rien, l'état d'esprit est différent de celui de mes 18 ans : la fatigue s'accumule, les déceptions aussi. Et la thèse n'aidera pas.
Car être doctorant(e) en chimie, c'est beaucoup de solitude, debout à sa paillasse : des heures de purification de produit, des manips que l'on suit avec amour et qui ratent immanquablement, des essais, encore, des remises en question ("attends, pourquoi c'est vert alors que ça devrait être bleu ? Qu'est-ce que j'ai fait de travers ?" - probablement rien, mais c'est un réflexe de croire que c'est sa faute). C'est également courir entre les encadrements de stagiaires pas toujours au top, les encadrements de TP de licence (avec des p'tits jeunots qui t'appellent "Madame"), les formations obligatoires ("comment présenter son CV", "comment répondre lors d'un entretien", "outils pédagogiques"...), les associations (oui, c'est bien vu d'être dans un bureau d'asso), les conférences et autres séminaires. C'est corriger des TP le week-end, ou rédiger un papier/une comm/un poster. Mais, récompense, des fois, tu pars en congrès et ça c'est chouette !
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J'me la pète à Philly :) |
Tu vis thèse, tu manges thèse, tu dors thèse... Tous tes potes du moment sont thésards : les autres ne comprennent pas toujours ton quotidien... Tu stresses, parce que tout ça repose sur toi et sur ta motivation. Et une petite voix te dit : "et ma chérie, c'est pas fini, c'est le boulot qui veut ça. La recherche, c'est ça !" Glurps. Aïe. Ah bon ? Je ne vais jamais toucher terre ? Je vais courir en permanence ??? Mais ça, c'est après : pour le moment, tu continues, tu as un défi à relever. Pour ma part, je comptais les mois qui me séparaient de ma soutenance, en me disant que ça irait mieux après. Encore...
A noter que pendant tout ce temps, j'ai essayé de mener une vie normale : un petit copain, puis un autre ("THE ONE", remember ^^), des amis, des sorties où l'alcool coule à flot, un brin de shopping... Mais la famille, lointaine, doit patienter. Au début, ça va. Au fur et à mesure, ça pique... Et puis les années passent, tu dépasses les 25 ans, âge où tes premiers amis se marient, s'installent...
Mais la soutenance arrive. On est content et on enchaîne sur un post-doc car on ne s'arrête jamais à une thèse si on veut espérer avoir un poste un jour. Eeeeeeeeeet oui : tu as BAC+8, mais des centaines de personnes du monde entier également et les postes à pourvoir sont rares, alors la bataille fait rage. Il faut les meilleurs papiers, être parti à l'étranger, être revenu, avoir fait de bons congrès. Avoir la niaque. Malheureusement pour moi, c'est là que les pauvres restes de la mienne ont fondu... Je trouvais mes manips vaines, j'avais du mal à comprendre mon monde. La recherche en France ne roule pas sur l'or : il fallait en permanence faire attention aux dépenses et chercher des bourses, des financements, à droite, à gauche. C'était usant. Mes rêves de Marie Curie me paraissaient si loin... Je sacrifiais ma famille, mon bien-être au quotidien pour un espoir de "ça ira mieux après" toujours plus lointain. Je me sentais nulle, mauvaise, pas à ma place. Carrément con. Je tombais malade tous les mois, j'étais grassouillette. Et, truc de filles, je n'étais jamais fichue de garder un vernis à ongle nickel ! ^^
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Ahummm... |
Alors j'ai décidé qu'il me fallait une pause. Pour respirer, vivre un peu, prendre le temps de voir ma famille, mon chéri et sa petite puce (oui, je suis belle-maman), mes copains et leurs enfants. Pour faire du sport, manger sainement. Pour (re)définir mes priorités, mes envies, (ré)écouter mes ambitions, rêver de nouveau. Pour reprendre confiance en moi. Et me décider à changer de vie, de voie. C'est le plus difficile : je ne suis même pas sûre d'être capable de le dire à haute voix. "Je veux changer de carrière". Pour faire quoi ? De nombreuses possibilités s'offrent à moi, c'est l'avantage d'avoir un diplôme de docteur : je vous en parlerai plus tard. Mais il faut noter que je suis chanceuse d'être française : Pôle-Emploi est très compréhensif et les allocations, même peu élevées, permettent de prendre le temps de choisir sereinement...
Quand j'en parle autour de moi (oui, je commence timidement à le faire), on me dit "mais tout ça pour ça ? T'as 28 ans, tu fais 8 ans d'études pour un job que tu ne veux plus faire ? Et ça te fait pas mal ?" Non. Et pour mieux l'expliquer, je reprendrai les mots d'une blogueuse docteur qui a très bien décrit la situation :
"Être Docteur c'est une fierté personnelle, un délicieux souvenir. Un rite initiatique de la vie. Mais c'est surtout un moyen d'ouvrir ton esprit, de développer ta culture et être plus ouvert au monde. Au final je ne te recommande pas la thèse et je ne te la déconseille pas. La thèse m'a appris la polyvalence, l'autonomie et m'a donné un potentiel. Choses que j'ai dites à mon recrutement: je n'ai pas de compétence précise, j'ai un potentiel de malade.
Si tu fais ce choix, sois conscient que cela sera dur, fatiguant et que tu découvriras qui tu es vraiment. Comme j'ai signé mes remerciements, une fois fini, c'est le premier jour du reste de ta vie."
Bon, moi, j'ai poussé jusqu'au post-doc, mais l'idée est la même. Je veux garder cette phrase : "je n'ai pas de compétence précise, j'ai un potentiel de malade". Voilà, vous savez tout, ou presque... Je vous laisse : il faudrait que j'aille dormir un peu pour profiter pleinement du premier jour du reste de ma vie ;)
Allez, Grobisou !
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