jeudi 4 février 2016

#4 - De l'art de trouver sa place dans la société (dis donc)

Hey mon Ami,

J'ai le coeur un peu lourd ce soir. J'avais pour ambition d'écrire un article sur la place que l'on se fait dans notre société, d'un point de vue professionnel. Et puis, j'ai regardé France 2 et ce formidable téléfilm "Ne m'abandonne pas" : l'histoire d'une gamine embrigadée, radicalisée, perdue, qui veut partir en Syrie. Et puis, j'ai enchaîné sur le pseudo-débat qui suivait, attristant. Et puis, j'ai enchaîné sur Infrarouge "les Français, c'est les autres" :  et c'est là que j'ai versé ma larmichette. Parce qu'entre le début et la fin de la soirée, tout est finalement lié, imbriqué. Ces gamins embrigadés qui quittent un pays qu'ils ne comprennent plus (pour de sombres raisons, malheureusement).

Le fou programme de ma soirée...
Trouver sa place dans la société, au sens large, donc. Je ne parle pas simplement de ces fameux "jeunes des cités" dont les médias nous rebattent les oreilles, qui souffrent d'une mise à l'écart et d'une stigmatisation déplorables, mais de tout un chacun. Je discute souvent avec des amis, ma famille, des connaissances (oui j'aime bien discuter, surtout des sujets qui fâchent), et je suis toujours surprise de la véhémence, de la colère, de l'inquiétude qui peut exister, même chez des "blancs bien Français, bien sous tout rapport". Actuellement, ce que je vois, ce sont des "blacks" qui ne trouvent pas leur place et, avouons-le, qu'on regarde d'un oeil chelou. Ce sont des arabes, musulmans ou non, que l'on regarde encore plus de travers depuis Charlie et le 13 novembre. Ce sont des juifs qui se sentent menacés. Ce sont des "blancs", qui, en tout cas pour certains extrêmes, ne se reconnaissent plus (paraîtrait qu'être Français à la base, c'est être blanc judéo-chrétien, dixit de drôles de vidéos...). Ou d'autres blancs qui ne savent plus où se mettre, ni où regarder. Déjà, je suis vachement emmerdée parce que je ne sais même pas où je devrais mettre des majuscules : Black/black ? Arabe/arabe ? Juif/juif ? On m'avait appris à l'école qu'on mettait une majuscule quand on parlait des habitants d'un pays : Français. En fait, ce que je vois à travers tout ça, ces maladresses, ces "mal-être", c'est ce fameux "malaise identitaire". Alors moi, j'ai une grande question et je suis vraiment ouverte à vos réponses : 

c'est quoi "être Français" en 2016 ? 

Je ne parle pas de 1915, 1930 ou n'importe quelle date pré-flux migratoires, pré-monde numérique, pré-mondialisation, pré-blablabla... Non, 2016. C'est quoi être Français quand on a la nationalité française en 2016 ? Pourquoi y a-t-il autant de malaise au sein d'une même population ? Pourquoi y a-t-il autant d'a priori et de méfiance ? Car avouez-le, nous ne nous promenons pas tellement sereinement dans nos rues, si ? Nous ne nous asseyons pas sereinement à côté de ce voisin inconnu dans le train, si ? Et... nous avons vachement de mal à en parler..., non ?


Mon idée, que vous qualifierez peut-être d'idée de bobo-blanche-nantie-bisounours-docteur-élitiste-connasse (vous en penserez bien ce que vous en voudrez - ah, j'oubliais, gauchiste), est que la notion d'"être Français" n'a pas évolué aussi vite que notre société. Alors oui, les guerres sont finies, oui, en France, on n'a plus faim (quoique), oui, on a H&M et MacDo, et on n'a pas à se plaindre comparé à la misère du monde (quoique pour H&M et MacDo, y a discussion - blaaaaague). Mais ça n'empêche : en une trentaine d'années, on a assisté à des guerres froides, des fractures sociales, des krachs boursiers, à la mondialisation (certains diraient l'Américanisation), la surconsommation, à la révolution numérique, à l'immigration de peuples fuyant des situations catastrophiques par vague... La France et l'"être Français" de mes parents ne sont pas les mêmes que les miens, moi presque-trentenaire. Un monde a changé complètement entre nos deux générations ! Alors, être Français est-ce vraiment encore être blanc et catholique ? Regardons ces deux points. Cette vision archaïque ne tient absolument pas compte des 500 000 Juifs Français (put*** de majuscules ^^), des 5 000 000 de Musulmans, des 10 000 000 de Catholiques plus ou moins pratiquants (auxquels il conviendrait peut-être d'ajouter les baptisés non pratiquants, mais j'ai un doute), sans compter le nombre non négligeable de Protestants, et toutes les autres Religions Existantes comme... ben l'Athéisme et ses 20 millions d'adeptes ("oui, comment tu peux dire que l'athéisme c'est une religion, t'abuses" - Non, c'est mon avis - chiffres Wikipedia sourcés, l'estimation du nombre de pratiquants de chaque religion étant approximative puisque la religion relève du domaine privé dans notre pays laïc). Cette vision ne tient pas non plus compte de la multitude d'origines des Français d'aujourd'hui. Car les enfants des vagues d'immigration des années 50-60 sont nés en France et sont donc Français. Le seraient-ils moins que d'autres, Français depuis plusieurs générations ? WTF, bien sûr que non. Mais pourquoi certains gamins de lycée de banlieue et de parents immigrés se sentent pourtant moins Français que le Français de Paris intra-muros ou du fin fond de l'Ariège (cf documentaire Infrarouge) ?

Et parlons peu, parlons bien : la couleur de peau. Ma grand-mère m'avait dit un jour, sur un ami d'origine éthiopienne, que "quand même, il est un peu trop noir". Pardon Mamy, je t'aime fort, mais ça ne t'empêche pas malheureusement de sortir de drôles d'âneries parfois... Mamy est née en Lorraine à la fin des années 20. A grandi dans une petite ville ouvrière lorraine. N'a que très peu travaillé pour s'occuper de ses enfants en culottes courtes. Et... n'a pas bougé de la ville dans laquelle elle a grandi. Niveau contact avec l'extérieur, on a fait mieux. Ciel, une famille noire débarque dans sa ville : stupeur et tremblement. Ouhlala, une famille maghrébine débarque ensuite : diantre ! Fichtre ! On peut imaginer sa surprise de blanche parmi les blancs. En 2010, je donnais des cours à un gamin qui allait dans un collège privé bordelais et il m'a un jour dit une phrase qui m'a glacée : "moi les noirs et les arabes, si je veux en voir, je sais où aller, dans le rayon discount de chez Carrefour"... 14 ans en 2010 et le gamin me sort une phrase pareille ! Comment, nous, adultes, en 2016, pouvons-nous être toujours marqués par la différence de couleur de peau ? On n'a pas internet depuis 15 ans ? La télé depuis 45 ans ? Et... tout simplement des yeux et un cerveau ? J'ai été marquée par le travail génial d'une artiste madrilène, Angélica Dass, et son Humanae : en associant la couleur de peau de centaines de personnes à leur teinte dans un nuancier Pantone, elle a pu montrer que les limites Black-Blanc-Beur étaient floues, qu'il y avait finalement peu de différences d'une "catégorie" à une autre, et que même un Blanc pouvait avoir des centaines de carnations différentes. Ca fait réfléchir, non ? Ah, et question : je suis brûlée sur gavé de centimètres carrés, ce qui m'offre un joli camaïeu de rose-beigeasse-un-poil-marron... Suis-je encore blanche ? (oui, je sais, la démonstration par l'absurde, y a mieux)

Tellement différents, tellement pareils...
Nous sommes finalement tous dans le même bateau, quelle que soit notre peau. Et nous traitons différemment notre vision de ce bateau, selon notre religion (et encore). Mais nous sommes avant tout Humains, comme le montre notamment le fantastique "Human" de Yann Arthus-Bertrand. Alors pourquoi ne pas laisser les gens faire ce qu'ils veulent ? Et pourquoi ne pas appliquer une sage parole biblique, à valeur universelle : "Aimez-vous les uns les autres" (Jean 13:34) ? C'est niais-bobo-bisounours, mais ce serait teeeeeellement chouette si ça marchait. 

"La tolérance ne se décrète pas, c'est un travail quotidien"
(François Lenglet, L'Angle Eco du 04/02/2016)

Allez, Grobisou !

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